Une Mouche pour Ancilla
C’est l’été dernier, par un de ces jours chauds, quand l’orage peine à éclater.
Ancilla est en formation.
Son Maître l’a confiée à un organisme qui doit lui permettre de perfectionner son
cursus de soumise.
Ancilla était, Ancilla est toujours très motivée pour progresser, même si elle reste toujours très anxieuse de donner le meilleur d’elle-même
Ancilla n’en est pas moins motivée de réussir cette épreuve pour le respect et l’amour de lui.
Les journées sont très pénibles, et les nuits encore plus.
Il n’y a vraiment qu’un seul moment où Ancilla peut prendre un peu de repos. C’est à midi, au plus torride de ces jours étouffants d’août.
Bien que cette sieste ne soit pas de tout repos, c’est le seul instant où Ancilla sait qu’on va la laisser tranquille. Elle a besoin de cette période pour souffler et réfléchir, même si elle doit le faire dans une position très particulière que d’ailleurs, elle ne peut pas vraiment choisir.
Après un repas frugal, servi dans une grande écuelle à trois trous : une pour le lait caillé, l’autre pour la pâtée rancie, la dernière pour de l’eau du puit qui a un drôle de goût de vase. C’est évidemment à quatre pattes que Ancilla doit absorber tout cela en compagnie de ses sœurs de captivité. Cela se passe en plein soleil qui chauffe les pierres de la terrasse au point de brûler genoux et coudes pourtant protégés par des petits manchons en latex, mais dont la couleur noire et l’épaisse structure accumulent plus de chaleur que l’en protége.
Donc, elles mangent sans retard, en proie à leur grande faim et le désir d’en finir au plus possible. Une vraie curée. Car les chiens des gardiens en veulent aussi leur part.
Ensuite, il y a au programme une petite promenade en laisse dans le parc, seul moment de la journée, où elles peuvent complètement se soulager dans un coin herbeux idoine, sous le regard ironique de leurs gardes-chiourme. Elles ne risquent que quelques coups de badines quand les choses se passent trop lentement. Elles savent par expérience qu’elles ne peuvent pas être violées, car tous leurs gardiens sont munis d’un dispositif de chasteté qui fait d’eux des eunuques temporaires, parce que le Maître de maison n’a qu’une confiance très relative quant aux pulsions sexuelles de leurs employés et leur retenue face à un aussi affriolant troupeau de femmes. Malgré ce sérieux obstacle à labourer les sillons féminins sans pourtant interdire la bandaison, les gardiens savent bien exiger quelques gâteries apaisantes sans aucun risque génésique selon des procédures que nous tairons ici pour éviter de tomber dans des descriptions pornographiques qui pourraient indisposer lecteurs et lectrices. Le danger que cours ses éducateurs sont de légères retenues sur salaire en cas de flagrant délit. Rien de bien méchant. Les filles ont tout intérêt à y participer si elles ne veulent pas devenir « bouc émissaire ». Bien que dans ce cas de figure on devrait plutôt parler de « chèvres effluentes ».
Nous retrouvons Ancilla au seuil de la chambre de repos, agenouillée et attachée attendant qu’un des formateurs vienne la préparer pour cette sieste bien méritée, eu égard aux efforts consentis ce matin dans les exercices physiques que Ancilla a endurés avec un certain succès, malgré une punition qu’elle a récoltée d’une manière tout à fait injuste et dont elle ne connaît pas encore la sanction. Ce sera pour ce soir devant toutes les pensionnaires réunies, juste avant de retourner dans sa cellule. Elle craint surtout d’être mis à disposition du Maître qui reçoit ce soir un groupe de diplomate étranger. La coutume veut qu’après avoir signé de bons accords commerciaux les signataires se voient offert des femmes dont ils peuvent librement disposer. Comme ce sont des gens peu accoutumés aux rites très codifiés SM, ils prennent souvent des libertés exagérées qui peuvent déboucher à de sérieuses séquelles sur les suppliciées, ce qui n’arrive quasiment jamais avec des hommes exercés, car eux ils connaissent trop bien la valeur de la marchandise pour oser l’endommager.
Enfin le voilà, celui qui va l’installer sur sa planche de repos.
Chaque jour c’est même rituel, d’abord le masque. Il est en beau cuir souple qui se ferme sur sa tête par une fermeture éclaire sur l’arrière de la tête. Chaque fois, c’est la même douleur, car des cheveux se prennent immanquablement dans la crémaillère de la fermeture éclair en lui faisant jaillir des larmes incontrôlables qui sont invisibles puisque absorbées par ce loup intégral. Son cri est aussi étouffé par l’appendice qui pénètre dans sa bouche pour la maintenir en position ouverte. La langue est compressée, et les dents sont hors service. La position de la mâchoire devient rapidement très pénible à cause de la tension des muscles du cou et la sécheresse de la gorge que cela provoque. Et puis il y a aussi, ce qu’il la dérange le plus, c’est ces bouchons auriculaires faits pour pénétrer profondément dans le canal de l’oreille coupant presque tous les sons.
La voilà dans une prison sensorielle, seule avec elle-même.
Mais son installation pour la sieste n’est pas finie.
Dans sa cellule, il y a cette grande planche couverte d’un revêtement style paillasson sur laquelle sont fixés bottes et gants longs, aménagement qui peut faire penser à une panoplie de "barbie".
Ancilla se laisse étendre sur ce lit de repos, le dos épousant le matelas aux crins piquants. Il faut peu de temps pour qu’elle se retrouve immobilisée dans ces astucieux accessoires faits pour se sentir clipper sans difficulté. Il faut remarquer que Ancilla y met aussi du sien pour faciliter l’opération, car elle a hâte de ne plus sentir les mains de son gardien errer sur sa peau. Il n’est pas rare qu’il profite de cette situation pour chercher à humilier leur proie sans défense par des caresses sournoises déclenchant des effets incontrôlables et indécents sur leur victime.
Ils ont la vanité de croire à leur toute puissance masculine quand ils réussissent à faire couler un filet de cyprine sur les lèvres de la vulve. Plus vite elle sera prisonnière dans son cercueil capitonné faisant un effet proche du port d’un cilice, mieux cela sera à l’abri des gestes salaces. Vraiment on peut dire que Ancilla ressemble à un rare papillon, si bien épinglé, qu’elle n’a pas plus de mobilité qu’un lépidoptère naturalisé. Pourtant elle peut légèrement bouger le ventre, c’est pourquoi on rajoute habituellement encore trois sangles, l’une à la taille, les autres sur le haut de chaque cuisse, suivant le pli de l’aine, ce qui ne fait que souligner son sexe glabre et légèrement suintant qu’elle aimerait tant dissimuler. Comment expliquer à son bourreau que ce liquide n’exprime aucun désir pour lui, et que ce n’est qu’une réaction purement pavlovienne, un réflexe de conditionnement. Elle espère seulement que cela ne pas être perçu comme un appel à une manualisation qu’elle redoute. Heureusement pour Ancilla, il se contente de prélever d’un doigt fureteur un peu d’onguent qu’elle vient de produire, pour en renifler la fragrance avant de le mettre en bouche pour le goûter. Certainement pressé par l’ordonnancement de sa journée, il ne donnera aucune suite à cette dégustation qui pourtant lui a beaucoup plu.
La sieste peut ainsi véritablement commencer, et Ancilla se laisse aller et tombe dans une forme de torpeur qui lui interdit le sommeil mais lui permet de bien se relaxer.
Ainsi harnachée, Ancilla perd la sensation du temps ; elle se met à rêver, de ces rêves éveillés plus faciles à diriger que les rêves nocturnes. Elle vagabonde dans un jardin de délices, film entrecoupé d’images des séquences fortes qu’elle a vécues ce matin.
Laissons lui le secret de ses désirs, car même la meilleure des esclaves à des pensées qui ne seront connues que d’elle et que jamais même le meilleur des Maîtres ne pourra percer.
En pleine méditation, voilà que par la fenêtre ouverte, un rayon de soleil lui frappe la peau à la hauteur du bassin d’une manière difficilement supportable à cause d’une forte intensité comme si une loupe concentre les rayons solaires. Ancilla ne pense pas qu’à l’effet immédiat de cette intolérable chaleur mais aussi aux douleurs futures de l’érythème qui suivront inévitablement . Evidemment, elle est dans la complète impossibilité de s’opposer à cette perfide insolation.
Le résultat du moment c’est que Ancilla se met à transpirer encore plus que de coutume aussi bien sur ses jambes gainées en cuir, sur ses bras et sa tête que directement sur sa peau exposée aux chauds rayons. Heureusement les cumulus du ciel voilent de temps en temps l’agressivité des photons. Comme l’orage se précise, les nuages sont de plus en plus nombreux et jouent un rôle protecteur bien venu. Sa respiration reste pénible, car la grille qui filtre l’air est comme bouchée de temps à autre par l’abondante sueur. C’est au mouvement saccadé de sa poitrine que l’on peut voir la difficulté qu’elle a à aspirer l’oxygène nécessaire pour alimenter son souffle. Comme elle a fait beaucoup de Yoga dans sa jeunesse , elle arrive à contrôler sa ventilation, et surtout à éviter un stress ravageur.
C’est maintenant que ce produit un incident non prévu dans ce monde si réglé et ritualisé.
Une grosse mouche, une de ces mouches que certains appellent vulgairement " une mouche à merde " vient de passer la fenêtre. Toute énervée par le futur ouragan, l’insecte arrive comme une furie prenant possession de toute la pièce. Il semble dans un premier temps dédaigner le corps ficelé. Mais ce qui doit finir par arriver, arrive. La mouche se pose une première fois sur la botte droite, puis remonte en voletant le long de la cuissarde pour atteindre enfin la peau qui ne peu qu’être succulente pour le fébrile diptère.
Surprise par cette agression imprévue, notre prisonnière qui n’a pu ni voir ni entendre l’intruse, se raidit dans ses liens. Ce n’est pas ça qui découragea la mouche, au contraire se sentant en sécurité, et attirée par une promesse de bonne récolte, elle se met à zigzaguer, à virevolter, à trotter d’une manière assez aléatoire même si elle montre vite une préférence pour les parties les plus humides, où elle commence à se désaltérer grâce à une trompe très active, source d’une démangeaison premièrement désagréable, et vite infernale. Sans voir
l’insecte, Ancilla ne peut que l’imaginer. C’est pourquoi dans la tête de notre victime, cette mouche devient deux fois plus grande qu’elle n’est en réalité, avec des pattes sales, porteuses de chiures l’exposant à des maladies inconnues.
Pour une sieste, ce n’est dès lors plus une très bonne sieste, car la mouche trouve l’endroit à son goût, et notre héroïne passe un moment pénible qui dépasse tout entendement, même si cette torture peut sembler bien légère au vu de ce qu’elle a déjà enduré et ce qu’elle endurera encore.
Brusquement Ancilla panique et toute sa bonne motivation de devenir une bonne soumise s’écroule en un instant. D’imaginer cet insecte prendre tant de liberté sur elle lui fait perdre le contrôle de sa respiration déjà difficile.
Ancilla se met à étouffer. Elle donnerait n’importe quoi pour qu’on vienne la délivrer, elle signerait n’importe quel contrat. Elle aimerait tellement hurler le mot de « au secours » qui pourrait faire cesser ce supplice. Non seulement personne n’est là, mais encore le ballon enfoncé dans sa gorge retient tout son audible.
Il y a quelque chose de si ridicule dans cette situation : Ancilla, prête à endurer tous les coups, toutes les privations, voilà que toutes ces bonnes résolutions sont mises en échec par une simple toute petite mouche. Vraiment consternant, mais cette idée n’est pas suffisante pour l’aider à surmonter ce tourment, au contraire cela la déprime.
Heureusement d’un coup, Ancilla reprend le contrôle de la situation grâce à son sens inné de l’humour. Une idée baroque va lui permettre de surmonter cet affreux moment. Ancilla repense à son contrat qui stipule les limites de son engagement.
Même si elle a mis peu de limites à son contrat d’esclave, elle a quand même tenu à en exclure la bestialité. Eh bien, cette mouche n’a vraiment pas lu son contrat ! Elle est forcément exclue par la règle, puisqu’elle appartient au monde bestial. Pouce, ce n’est pas du jeu. Cette pensée l’a fait rire, et lui permet de se reprendre et relativiser cette démangeaison qui maintient son corps en état permanent de chair de poule.
Une fois victorieuse de ce sentiment de dégoût pour l’insecte baladeur, elle n’en éprouve pas pour autant du plaisir.
Le moment de la fin de la sieste lui semble interminable, mais Ancilla a le sentiment d’avoir passé avec succès une épreuve non prévue au programme.
Elle en éprouve même une certaine fierté.
Elle pense déjà au récit qu’elle va faire de cet incident dans son cahier de soumise.
Cette histoire aurait pu être le sujet d’une fable que La Fontaine aurait certainement mieux su vous conter : " la mouche ou comment un petit détail peut tout changer "
Conséquences de cet incident :
Quand Ancilla consigne cette histoire dans son cahier de soumise, avec application, et force de détails, car qui mieux qu’elle peut décrire les affres de cette sieste mémorable, elle ne pense pas qu’il y pourrait y avoir une suite. Pourtant ses éducateurs ont bien note de son récit, au point que déjà le lendemain Ancilla va passer sa sieste, au fond du jardin toujours aussi bien attachée, sur la même planche mais cette fois avec une abondante couche de miel sur le sexe près d’une ruche, mais cela est une autre histoire.
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